De la littérature sur certaines ondes

samedi 2 avril 2011

« Déjanté », « décalé »: dès qu’à la radio j’entends ces deux mots, je tourne le bouton. Ce matin encore, à propos d’un roman policier, un « polar » comme ces pseudo-lecteurs aiment dire. Et toujours (j’y reviens) en première ligne, dans la bouche du commentateur, le sujet, l’explicite, jamais un mot sur le style, le pouvoir d’évocation de la langue qui fait du livre une oeuvre et de l’auteur, un écrivain. Aussi, pour oublier ces insupportables propos « people », me suis-je vite plongé dans les Lettres philosophiques de Voltaire (folio classique n° 1703) qui m’ont mis l’esprit en fête. Un exemple de cette superbe impertinence à propos des différences entre les théories de Descartes et de Newton :

Un Français qui arrive à Londres trouve les choses bien changées en philosophie comme dans tout le reste. Il a laissé le monde plein; il le trouve vide; à Paris, on voit l’univers composé de tourbillons de matière subtile; à Londres, on ne voit rien de cela; chez nous, c’est la pression de la lune qui cause le flux de la mer; chez les Anglais, c’est la mer qui gravite vers la lune; de façon que, quand vous croyez que la lune devrait vous donner marée haute, ces Messieurs croient qu’on doit avoir marée basse; ce qui malheureusement ne peut se vérifier, car il aurait fallu, pour s’en éclaircir, examiner la lune et les marées au premier instant de la création…. (Quatorzième Lettre, Sur Descartes et Newton)

Pour en revenir au temps présent (si présent le temps l’est jamais), à signaler cependant l’émouvante interview, réalisée dans Le Monde du 2 avril par Josyane Savigneau, de la romancière d’origine algérienne Malika Mokeddem au sujet de la condition des femmes dans son pays natal. Cela vous réconcilie avec l’humanité.

A noter aussi la belle exposition sur les cent ans des éditions Gallimard, visible à la Bibliothèque Nationale (site François Mitterand) jusqu’en juillet, en regrettant néanmoins que le rôle de Georges Lambrichs à la tête de la collection « Le chemin » et de la NRF n’ait pas été mis plus en lumière. L’activité de cet homme génialement intuitif fut pourtant exceptionnelle au sein de cette grande maison d’édition. J’en garde un souvenir ému.

Michel Chaillou