Le hasard est un ami

31 mai 2009

Hier à 15 heures, alors que je feuilletais l’étalage d’un libraire voisin, mes doigts, plus chercheurs que moi-même, finirent par tourner les pages d’un fort volume des éditions « Le Bruit du Temps » . Il s’agissait en l’occurrence de The Ring and the Book, le chef d’œuvre de Robert Browning, pas l’inventeur du revolver du même nom, mais l’immense poète anglais né en 1812, un roman en vers imprimé sur papier bible avec traduction en prose, texte remarquable dû à un certain Georges Connes. L’ouvrage relate les circonstances de plusieurs meurtres commis à Rome en plein XVIIe siècle, circonstances tirées d’un vieux livre jaune que le poète dénicha à Florence chez un bouquiniste un jour béni de 1860. A la lecture qu’il entreprit tout en rentrant chez lui, son imagination s’enflamma et il s’avisa de tirer des flammes de l’enfer ce qui devint une véritable épopée dont la trame se relie à celle plus éparse de la poussière, avec ses soleils et ses lunes romanesques qui instaurent un autre système de gravitation, donc de lecture.

J’en suis à la page 175, à ce vers, criminel comme tous les autres du bouquin :

Leave in thus, and now revert« Laissons ces choses comme elles sont et revenons à … »

Je vous conseille d’y venir à condition que l’obsession de la clarté, cette vieille pécheresse bien française, ne vous empêche de lire l’ombre de l’histoire avant l’histoire, d’accepter que le dévoilement d’un fait prenne longtemps plus d’intensité romanesque que le fait lui-même. Et tous les vers de Browning sont coupables de beauté. Je me tais. Bravo aux éditions « Le Bruit du Temps ».

Il est bientôt 19 heures. Tennis à Roland Garros, Bordeaux est champion de France de football, la terre tourne sur elle-même. Comment se refléter dans le lagon de son âme sinon en ouvrant des livres ? Hier encore, un autre ouvrage plus contemporain, fort intéressant, d’une écrivaine américaine vivant à New York. J’en ai oublié le titre et le nom de l’auteur, mais je sais où il se trouve sur l’étagère et que je l’achèterai demain.

Michel Chaillou