La Petite Vertu

Huit années de prose courante sous la Régence. Une anthologie et un roman-rumeur des mots d'une époque.

Balland 1980, rééd. Seuil 1990

Le Nouvel Observateur (Jean-Paul Aron)

Le drapeau noir flotte sur la Régence

Quel texte, histoire, chronique, poésie, qu’importe, flouant les genres, crevant les systèmes, provoquant les modes, quelle écriture, précieuse et cruelle, baroque et frondeuse, éloquente et taquine, traquant un temps, l’enveloppant, le restituant mieux que les plus beaux ouvrages d’érudition ! Déjà, dans Le Sentiment géographique, superbe rêverie autour de L’Astrée, Michel Chaillou avait imposé sa maîtrise, produit du luxe et de l’ascèse. Aux singuliers de sa trempe, ressortissent les conjonctures qui dérangent, où l’on ne sait plus sur quel pied danser, où la mise en cause des valeurs s’opère sous l’apparence de la grâce, où les bouleversements politiques conspirent avec l’afféterie des usages, où le réel s’emballe dans la fiction. Les Régences, de Concini ou du duc d’Orléans, sont de celles-là. On s’y repaît de bonne chère, on descend aux frénésies d’amour tandis que les affaires sont aux abois; en 1715, on respire après la mort du roi divin et que la vieille guenon s’est retirée à Saint-Cyr ; on apprend le siècle, né sans doute trente ans avant, quand des philosophes intrépides discutent la légitimité de l’ordre établi ; on tâte des savoirs et des techniques qui vont, cinquante ans plus tard, régir l’idéologie: et la langue française, une belle langue, conçue par Richelieu comme instrument du pouvoir, se met à l’épreuve de ces matières émoustillantes. On publie sur l’herborisation et l’art de guérir, les voyages et la cuisine, le chocolat et le jardinage, le flux et le reflux de la mer, les bienfaits des eaux d’Abbecourt, sur la chasse et sur la pêche, sur les instruments de musique. On s’émeut des baleines [… ]. On exalte le roi des abeilles, si différent des autres mouches, le ventre large, l’allure puissante, traitant l’essaim en dominateur. On dessine l’économie du futur, on enseigne les négociations boursières et les principes de l’agiotage. A ces divers, à ces riens et à ces grandes choses, à cette étoffe décousue, à ce merveilleux babillage qui promet bien davantage qu’il ne présente, à cette prolixité découvrant les mouvements secrets du corps social, Michel Chaillou offre une préface époustouflante …(janvier 1981)

Libération (Philippe Boyer)

L’étourneau et l’Isabelle

La Petite Vertu se présente comme une anthologie de textes de prose non littéraire accompagnés de textes de Michel Chaillou restituant l’environnement historique de l’époque. Il est question de jardinage et de médecine, de recettes de toutes natures, de chroniques du moment, de science, de botanique, de tout ce qui fait finalement la vie ordinaire ou peu ordinaire dans la France de la Régence. Et pourtant quand on a dit ça on n’a rien dit d’un livre qui n’a rien de commun avec ce qu’il est convenu d’appeler « anthologie », mais qui est d’abord et avant tout le quatrième livre de fiction de Michel Chaillou dont le personnage central, comme dans les trois livres précédents, est la langue elle-même. (30 octobre 1980)
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Les nouvelles littéraires (Jean-Louis Ezine)

Ici, c’est le peuple qui parle et scribouille, et sa langue est parfois aussi verte, légère et anonyme, qu’une fille de petite vertu. Elle court, elle court, sur le pavé de la  Régence. (23 au 30 octobre 1980)

Le Matin (Laurent Dispot)

Un Missisippi de mots

Amours, délices et orgues ! Jouez hautbois, résonnez musettes ! Voici le livre le plus joliment écrit de l’année, il nous ferait verser des pleurs de joie, et de nostalgie : Michel Chaillou dans la Petite vertu restitue la langue française à elle-même. Tout un pan disparu du monde merveilleux des mots revient à nous d’un coup, frais comme au premier jour : c’est un jardin, un grand jardin; une navigation, un Mississippi, un rêve … A nous la prose « courante » de la Régence : elle nous guérira, elle nous fortifie. (2 décembre 1980).

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La quinzaine littéraire (Gilles Lapouge)

A la cueillette des rumeurs mortes

Les mots qu’a emporté le temps, les mots qui courent dans la rue, les mots de ménage et de cabaret, le brouhaha et la rumeur, la fureur et le chuchotis, les mots mal fagotés, les pauvres mots des pauvres, que sont-ils devenus et où sont-ils nichés quand deux siècles et demi ont passé ? Michel Chaillou est allé à la cueillette. Il a ramassé un plein panier de phrases qui furent dites sous la Régence, entre 1715 et 1723, et depuis elles dormaient à poings fermés dans leurs in-folio, mais elles respiraient encore, et maintenant qu’on les réveille, elles gigotent comme des mulots à la fin de l’hiver (décembre 1980).

 

L’Humanité (Jean Rocchi)

« Avec privilège du rêve »

La Petite Vertu n’a pas de précédent, donc pas de modèle : il s’agit bien du retour d’un écrivain moderne dans ces années du début du XVIIIe siècle. Et Michel Chaillou entreprend un véritable roman historique dont les héros ont ou auraient réellement vécu, mais dont le principal est la langue française. La mort de Louis XIV, par exemple, qui après lui osera tenter de la revivre autrement ? C’est un maelstrom d’esprit. (mercredi 15 juillet 1981)

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Les nouvelles pédagogiques (Nicole Zucca)

Michel Chaillou, un historien de l’air du temps

A lire pour les enseignants de lettres et de sciences humaines, amateurs de détournement. (15 septembre 1981)

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Le Figaro (Bruno de Cessole)

De même que certains mystiques ont perçu l’odeur du temps, de même Michel Chaillou a su humer les effluves qu’exhale la prose du temps, ce terroir où la frontière s’estompe entre le rationnel et le merveilleux, où grouille une humanité fauve, « où croissent les roseaux, les baumes sauvages, l’argentine … » (11 avril 1990)

Nice-Matin

On ne s’ennuie pas une seconde à côtoyer ces propos familiers, vifs, clairs, cette époque vue de la base, de la coulisse, du coin des gueux, au carrefour de tous les métiers, à la croisée des écritures anonymes. (18 février 1990)


Radio

Après la réédition de La Petite Vertu dans la collection Fiction & Cie, Seuil 1990

  • Panorama, France Culture du 11 janvier 1990, interview par Pascale Casanova
  • Du jour au lendemain, France Culture du 14 mars 1990, interview par Alain Veinstein,
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Cette émission a été présentée en archive dans La nuit rêvée de Michel Deguy le 10-11 octobre 2015 (notre note d’actualité)

Michel Chaillou