La Croyance des voleurs

roman, Seuil 1989, « Points » n° P893

Traduit en portugais sous le titre « A Cença dos Ladroes » par Vera Adami (Editions Nova Fronteira), Traduit en anglais sous le titre « The Belief of Thieves » par John Carlin Tomme (traduction inédite)

Manuscrit donné à la Bibliothèque de la Ville de Nantes.

4e de couverture

Au bord de la Loire, dans le faubourg populaire d’un port hanté par la haute mer, Samuel, un enfant de douze ans, se livre à un subtil trafic à l’insu de ses grands parents. On dit Samuel en retard, cancre à l’école, lent à comprendre, et pourtant personne ne le rattrape à la course. Innocent, il se sait coupable, de cette culpabilité des origines dont son autre grand-mère « égyptienne » s’enivre chaque jour : car c’est vrai, on appelait autrefois « Égyptiens » les gitans vagabonds, les bohémiens. De cela Samuel a fait son secret. Il se nourrit d’une fumeuse « croyance des voleurs » qui l’aide à surnager gaiement dans le temps démonté. Demi-autobiographie ? Comment démêler le vécu de l’imaginaire ?Le livre commence ainsi : « Chez nous, on a une table, quatre chaises, plus l’éternité. »

Extrait (première page)

Chez nous on a une table, quatre chaises, plus l’éternité. On habite une maison entourée de maisons, à la limite de la campagne (elle pousse encore son museau) et aux abords d’une ville (elle enfume l’horizon). J’ai une mère, mais elle voyage, un père, mais il travaille ailleurs. Grand-maman me garde. Elle est menue, a une épaule plus haute que l’autre, ses yeux luisent. Grand-père est une figue, un figue sèche pleine de savoirs. Il lit comme un loup. Une lampe l’éclaire. Le mobilier sent la résine. Le soir nous enténèbre comme une forêt. On reste là des mois, peut-être des années. La voisine grandit. J’affirme péremptoire : « Berthe Rozan va dépasser le clocher. » Grand-mère me regarde. Elle repasse devant la fenêtre. Si je la laisse faire, la lune aussi sera repassée, les étoiles amidonnées, toute la voûte céleste rangée bien sagement dans l’armoire, parmi les pantalons, les chemises, la tempête de cols durs. Je ferme vite les volets.On dort à trois dans deux pièces. Quand il pleut, on dispose des bassines à cause des fuites du toit. Grand-père ronfle. Un train gronde dans sa gorge, déraille par le nez. Grand-mère le secoue. Il s’éveille, demande l’heure d’une voix toute éberluée. « C’est le matin », éructe le coq (celui rouge ardent du cordonnier), avant qu’une savate cordialement lancée ne l’assomme. « Cette fois il a son compte », triomphe invariablement Grand-père. Mais les coqs sont des poules ironiques. L’intraitable volatile élargit à nouveau la plaie vive de nos oreilles. (…)

Revue de presse

La critique des médias

Michel Chaillou