L’hypothèse de l’ombre

roman, Gallimard 2013

Manuscrit donné au Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale.

4e de couverture

«Il sentit que cela venait d’une manière ou d’une autre mais que cela venait. Il était assis. Combien de fois ne s’était-il pas assis devant cette fenêtre? Le jour avait perdu une partie de sa clarté et lui était désormais trop las pour réagir, aller voir de près si la végétation l’apostrophait aussi durement qu’aux premières heures. N’était-il pas un corps étranger? Quelqu’un d’ailleurs? Pourquoi cette haute demeure l’accepterait-elle illico sans autres pourparlers préalables avec ses ombres?»

Et si la cuisinière n’était pas vraiment endormie? Et si le mannequin de bois paraissait trop réveillé pour rester de bois? Et si lui-même, Charles-André, n’avait pas grandi? Et si la maison qu’il habite en était une autre? Et si sa tante était sa mère? Et si la mer était…

Extrait (page 80)

Il avait pris soin, par une sorte de dérisoire scrupule, d’effacer pour venir jusqu’ici toutes ses traces, passant d’un train à l’autre, revenant sur ses pas. Jusqu’au nom même de Saint-Pierre (le bourg proche hanté par de vieilles marées usant à leur façon répétitive leurs fonds de culotte sur des rochers nus) qui lui paraissait ne plus être vrai à force d’être peuplé de ses propres ombres ! D’ailleurs, à son arrivée dans la villa de ses amis provisoirement américains, pourquoi au début de son séjour vouloir taire sa présence, même aux arbres du jardin, au point d’en arriver à marmonner dans le secret de sa bouche son identité complète : « Charles-André Bertrand. » Qui pouvait l’entendre ? Trois prénoms forment-ils d’ailleurs un nom ? Et il faut un nom pour qu’on vous accuse ! Parfois ils doutait d’en avoir vraiment un. Était-il plus Charles qu’André ou Bertrand ? Au cours de ses incursions dans le village, sur la jetée du port fouettée par les vagues où se balancent en permanence deux ou trois barques quand l’heure consent aussi à jeter l’ancre, il tentait tellement de se persuader de l’avoir aussi jetée, cette ancre, d’être pour de bon en vacances de tous ses instants, amarré simplement au bonheur d’être …

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Michel Chaillou