La Petite Vertu

Balland 1980, réédition Seuil 1990

Manuscrit donné au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France

4e de couverture

Recueillir des textes, plonger dans cette matière qui appartint à une époque si précise de notre histoire (de 1715 à 1723, de la mort de Louis XIV à l’avènement de Louis XV), c’est pour Michel Chaillou, écrivain d’aujourd’hui, l’occasion de s’interroger : le temps qui passe ainsi, sous la Régence de Philippe d’Orléans, passe-t-il en entier ? Un siècle s’éclipse-t-il totalement des mots qui le parlèrent ? l’écrivirent ? Mathurin de Lignac, pharmacien à Pont-Sainte-Maxence, qui en ce début du XVIIIe disserte sur la génération des insectes dans le corps, acquiert-il un style à appartenir à une époque révolue ? Ou est-ce elle qui lui en prête ? Le temps serait-il écrivain ? L’auteur de cette anthologie a appelé « prose courante » cette dentelle du temps qui se fabrique ainsi à l’insu du brodeur : voyageurs, cuisiniers, petites gens des villages, marquis éclairés, botanistes, thérapeutes, géographes, auteurs de traités, cultivateurs, accoucheurs, artificiers, rêveurs, tous brodent sans le savoir cette étrange nappe de temps. Au demeurant, la Petite Vertu était vers 1715 le nom d’une papeterie très fréquentée, propriétaire un certain Guyot, rue des Assis, ou des Arcis, engloutie avec son cortège d’enseignes du côté de l’église Saint-Merri.

Extrait (début)

Avant-propos sur les affaires du temps

On jouait de la viole pour se désennuyer. C’est une musique de mémoire, on croit entendre, on a déjà entendu, on croit vivre, on a déjà vécu. Mieux qu’une vie, des vies, l’air d’une époque qui se pâme à l’oreille, le coup d’archet fut donné, pincement au coeur. Une société se ranima qui se disperse. D’Orléans portait perruque noire, il revient à l’instant. Le duc du Maine boite, même son tabouret a un pied bot. Louis XIV meurt, sa jambe gauche pourrit comme les fruits qu’il mangeait trop mûrs. Des princesses du sang crient dans le cabinet d’à côté : nous résonnons des fenêtres ouvertes. La viole a le son demi-rond, perçant, dur de près. Il faudrait écrire des deux mains, l’une occupée à presser l’événement, l’autre qui en vibre. Un virtuose d’alors, Marin Marais, s’attachait parfois à ne produire qu’une seule note, mais aussi volumineuse que la grosse cloche de Saint-Germain. Nous somme assourdis d’un dernier soupir. Le roi expire …

Revue de presse

La critique des médias

Michel Chaillou