Rentrée littéraire
En cette saison de rentrée dite littéraire, où l’on parle beaucoup des livres sur les ondes éparses de nos radios multiples, partout il n’est question que du sujet, les journalistes préférant commenter l’étiquette censée dire la valeur du vin, plutôt que de goûter au contenu de
la bouteille. C’est le règne de l’explicite, or la littérature, la vraie, celle qui fait d’un livre une œuvre, ne réside que dans son contraire, c’est-à-dire l’implicite, la confidence, le secret que dévoile sans le dévoiler ce qu’on appelle le style. Or sans style, pas d’œuvre. Quand on dit d’un ouvrage de fiction qu’il est bien écrit, comme je l’entends souvent, cela ne signifie-t-il pas qu’il n’est écrit par personne ? Flaubert n’écrit pas bien, il écrit du Flaubert, Balzac du Balzac, Proust du Proust, Joyce du Joyce, etc., etc. Les best-sellers ne sont que de l’explicite. En dehors du sujet proclamé à haute voix, il n’y a rien. C’est pour cela qu’ils plaisent à tout le monde, or tout le monde c’est aussi personne.
Quand donc sur nos ondes un animateur d’émissions dites littéraires se montrera assez talentueux pour oser enfin traiter du style, de l’univers que celui-ci révèle? Cette préhistoire de nos histoires, cette nuit du verbe sans laquelle il n’y a dans une fiction, une fable, qu’un jour faux, une aube artificielle, de fer blanc.
Voilà, j’ai tout dit, je retourne à Montaigne. Vivent les Essais, la grâce de ses tournures, le tour de chant de ses idées, quand la Dordogne donne son avis par mille murmures au bas des pages.