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dimanche 10 août 2008

Avez-vous lu Sauf-Conduit de Boris Pasternak, cette autobiographie tumultueuse de la jeunesse du poète publiée par les éditions Corréa qui existaient autrefois au 166 bd du Montparnasse ? J’ai un exemplaire entre les mains traduit par Nathalie Azova et durant une semaine j’ai essayé de percer les beaux nuages de ce texte admirable afin d’entendre un peu au fond des phrases son russe légendaire, que j’ignore. Comment mieux vous expliquer ? Chaque phrase en appelait d’autres qui accouraient du fond des rues de Moscou et, noctambule de mon rêve, je m’y perdais.

Citation :

Il faisait nuit. La vilaine petite pluie fine continuait à tomber. Sur le trottoir, devant la gare, il y avait autant de fumée que sur les quais et, prise comme une balle dans le filet, la verrière de la toiture se ballonnait dans sa carcasse de fer. Les rues s’interpellaient par des claquements qui ressemblaient aux explosions du gaz carbonique. Tout semblait enlisé sous le calme pétillement de la pluie. N’ayant pas prévu l’incident, j’avais quitté la maison comme j’étais, c’est-à-dire sans pardessus, sans bagages, sans papiers. 

Je cherche les miens parmi les livres. Cette carte d’identité du nocturne que je me fabrique à force de lectures et qui fait l’écrivain.

Dans Sauf-Conduit, écrit Pasternak, j’ai analysé les circonstances qui ont fait de moi ce que je suis.

Bien entendu, c’est la saison des Jeux Olympiques. La frayeur toute personnelle que me causa la cérémonie d’ouverture, cette flambée du collectif qui nie l’individu. Et pourtant le sport m’intéresse …

Avec Sauf-Conduit on tient dans les mains un livre qui a de l’accent. Tant de livres paraissent qui n’ont à raconter que leur sujet alors que l’essentiel se trouve dans les marges, là où l’herbe pousse, où tout s’oublie, où la beauté, la vérité prennent du feuillage, de l’ombrage, où l’on peut s’ étendre, paresser, commérer avec les oiseaux. A un moment Pasternak parle d’une beauté dans son enfance : S’agit-il d’une personne ou de l’enfance elle-même ?

Elle sort dans la rue. Elle voudrait que le soir la remarque, que l’air éprouve en la voyant un serrement au cœur, que les étoiles aient quelque chose à conter sur elle. Elle voudrait être connue de tous comme les arbres, les palissades et toutes les choses sur la terre, lorsqu’elles se trouvent dans l’air et non dans la tête. Mais elle éclaterait de rire si on lui prêtait de pareils désirs.

Assez pour aujourd’hui.

Michel Chaillou