Télévision

dimanche 13 juillet 2008

Le Tour de France, le tour de mon enfance, cette nuée de jeunes gens qui, tête dans le guidon, s’efforcent d’arriver vainqueurs à l’étape et le pays inconnu connu qui s’éparpille sur leurs flancs, cette contrée des bas-côtés, profilée en châteaux, en vallées plongeantes, en promontoires rocheux, et la robe des plaines qui s’étale, et le village rassemblé au bord de la route, autour de la foi de ses vieux clochers. Je suis vieux, et pourtant ma jeunesse pédale toujours derrière le peloton. Il y a des échappées souvent perdues d’avance, qu’importe ! Les heures passent, les bois qui s’enténèbrent (c’est leur vocation) justement s’éclaircissent au passage des coureurs. Grâce à eux, il n’y a plus de forêts inintelligibles.

J’entendrais presque la joyeuse fanfare des hautes futaies. A qui cette maisonnette entrevue en passant? Et le loquet de ce jardinet égaré par l’ivresse de ses tomates rouges de confusion qui se soulève encore tant fut forte la hâte du jardinier à se précipiter au dehors pour voir la course. Un pays en fuite et cependant toujours présent dans ses splendeurs. Le ciel et la terre et la route en lacets et l’âme qui se délace, délasse.

On monte, on descend, on a changé de braquet. Toulouse est déjà loin qu’ on passa la veille, on approche des Pyrénées, la neige des sommets s’en affole-t-elle? Il va pleuvoir, du vent vous pousse dans le dos. Oui, nous franchirons la ligne d’arrivée en premier avec le plus « vite ».

Le Tour de France, un pays qui sort de l’horizon pour qu’on le dévisage. Retenons le mystère qu’espacent ses champs clos, l’énigme de ses lointains. Un chemin s’élève en point d’interrogation, un ruisseau gazouille de tant de mots perdus depuis sa source et l’emphase des fleuves que les coureurs traversent simplement pour se dégourdir les jambes. Ah, j’en aurais tellement à dire sur le Tour de France ! Sur l’émotion qu’en moi il provoque.

Michel Chaillou