Vagabondages

vendredi 21 avril 2010

J’ai entrepris une lecture de récits de voyages. Sterne m’accompagne, Laurence Sterne, l’auteur inoubliable de Tristram Shandy, m’accompagne et me désole. Son sentimental voyage (sentimental journey through France and Italy), plus sentimental que voyageur m’ennuie. Je le lis en édition bilingue, un oeil sur le talus de gauche, l’anglais, un oeil sur le talus de droite, le french, le nôtre, et j’avance malgré tout sans perdre la route. Notre homme débarque à Calais, oublia que l’Angleterre et la France sont en guerre, on va d’ailleurs bientôt lui chercher des noises pour son passeport, etc, etc.

Pourquoi ce récit qui m’enchantait tant autrefois, ne me parle-t-il plus guère ?

C’est un paisible voyage du coeur, à la poursuite de la NATURE et des émotions qui en émanent et nous conduisent à nous aimer les uns les autres. 

Mais le pays, où se trouve-t-il ? Cette France que lève la poussière de 1762, où est-elle ? Il n’y a dans ce pseudo-voyage qu’égarements du coeur à l’auberge, propos divers. Sterne se cherche pourtant à Calais une « désobligeante », cette voiture légère à une place, courante à son époque, pour le voiturer, embauche un valet français : La Fleur, crache en cachette un peu de sang la nuit. Pour cela qu’il est parti plein sud, pour se guérir, pour que le midi de la France le cicatrise de son soleil. Et il plaisante, cajole tout ce qu’il rencontre, surtout le sexe dit faible :

Le comte dirigea la conversation : nous parlâmes de choses sans importance de livres, de politique, des hommes – et puis des femmes – Dieu les bénisse toutes ! dis-je, après avoir beaucoup discouru sur elles, il n’y a pas un homme au monde qui les aime autant que moi : après tous les faibles que je leur ai vus, et toutes les satires que j’ai lues contre elle, je les aime toujours; étant fermement convaincu qu’un homme qui n’a pas une sorte d’affection pour le sexe entier, est incapable d’en aimer une seule comme il le devrait.

On a des lectures de jeunesse comme on a des amours, parfois elles se fanent.

Michel Chaillou