Domestique chez Montaigne

roman, Gallimard 1983. Réédition en 2010 coll. L'imaginaire.

Traduit en italien sous le titre « Domestico in casa Montaigne » par Gabriella Druidi, éditions Coliseum.

Manuscrit donné au Département des manuscrits de la Bibliothèque nationale.

4e de couverture

Septembre 1980, sud-ouest de la France, une cloche qui tinte. C’est dimanche dans un village, beaucoup de touristes entre les collines couvertes de vignes. Quelqu’un s’interroge, une pancarte indique: « Château de Montaigne ». L’homme vient-il ranimer des souvenirs scolaires ? Il hésite, de la fameuse tour au cabaret, à l’église. Que cherche-t-il ? A travers une intense pérégrination géographique, historique, littéraire, sentimentale, il s’abandonne à sa mémoire comme un ivrogne. Il visite, marche, s’identifie à l’air qu’il respire, au vin bu, aux gens d’aujourd’hui, d’hier. Ces paysans traînent la savate derrière leurs ancêtres, va-t-il les écoutant finir par baiser sur la bouche Montaigne ? Quel souci le hante ? Il semble connaître les gardiens du château. Quel roman l’attache à ces remparts ? à l’entrée dite à chicane ? Le lecteur est invité à chausser des bottes de quatre siècles. Il vit simultanément l’actualité du village, un 23 septembre (date anniversaire du mariage de Montaigne, et à dix jours près celle de sa mort), et les années de troubles d’autrefois, 1980 s’efface devant 1580, 1581. Montaigne revient d’Italie, nous revenons de quoi ? Témoigner de ce qui a pu être vécu en ces lieux, s’adonner à une fiction où des figures se forment et se défont au gré de variations infinies, tel paraît être le propos de l’auteur qui, à sa façon, par de singuliers détours, retrouve quelque chose de la démarche des Essais.

Extrait (première page)

Toux, noir, fond de commode, d’armoire, fond, sac peut-être ? Toux, comme un raclement de sabots tiré hors d’hiver. Pénombre, s’accoutumer. Une chose bouge, craquements. Le bruit fait le chien, renifle. Quatre pattes d’une table, nuit très haute, attachée à l’œil-de-bœuf. On dirait que l’instant s’épouille. Flamme, main qui protège, clair d’un visage. Plus rien, noir encore, juron, autre allumette. Homme la cinquantaine incandescente, rides, tignasse, vague chemise, torchon des jambes nues, poils, posture accroupie, assiettes, chandelle, pommes, poires à moitié rognées, carpette, nature morte au bas d’un lit, couleur qui brûle, panorama de pieds de chaises. Il se relève, enfile un caleçon long, dérobe au passage un vit presque grand veneur, tousse, veut cracher. Crache, expectore son âme dans l’évier, ouvre le robinet, le gaz, prend une casserole, la remplit. Se désintéresse de la suite, machinerie qu’il enclenche tête vers la bougie fichée sur une soucoupe à l’angle du buffet. Il rêvasse, la planète s’équilibre, neige bloquée aux antipodes. Quelle heure ? Cinq ? Six ? Davantage ? Le jour ronge le bas des volets.

Revue de presse

La critique des médias

Michel Chaillou