Domestique chez Montaigne

Un gardien du château dans la célèbre tour.Le lecteur est invité à chausser des bottes de quatre siècles.

roman, Gallimard 1983, coll. L'imaginaire 2010

Après la réédition dans la collection « l’imaginaire » en 2010

Le Matricule des Anges (Thierry Cecille)

C’est un labyrinthe qu’il nous faut ici explorer, apprivoiser – et sans autre fil d’Ariane que la curiosité, rapidement mise en appétit, et le plaisir du texte. (n°216, Septembre 2010) Lire l’article

Le Monde des livres (Clara Georges)

Enquêtes existentielles

Dans Domestique chez Montaigne, la trame n’est qu’une série de détours. Passé les premières pages, si elliptiques que la lecture en est malaisée, on retrouve les mots charnus, les phrases chaloupées et enivrantes de Chaillou. C’est un livre dense – déconseillé, par exemple, dans les transports en commun. Il faut s’y laisser griser par les mots qui, parfois, parachutent le lecteur contre la chaleur d’un poêle dans une cuisine ou au fond d’un verger. La parole de Michel Chaillou, dit-il lui-même, est « un pays étrange ». Où des couches successives, de pensées, de gens, de lieux sont explorées. « On ignore trop que les choses s’épouillent, que des chaises, un fauteuil, la cavalcade d’un banc produisent des raclures, débris ligneux, coton, germes. Le château enfanterait presque son double crénelé à disperser au plumeau. » Ainsi, à la manière du château de Montaigne, nous voici tout dépoussiérés. (Le Monde des livres, 26 juin 2010)

Lire l’article

(où il est aussi question du Crime du beau temps)

Après la première édition dans la collection Le Chemin en 1983

Le Monde (Bertrand Poirot-Delpech)

L’effet de vie grouillante de son livre procède aussi de la langue même : un dialecte qu’on dirait venu, à travers champs, du vieux françois. Les métaphores sensuelles et rustiques s’y bousculent, brèves, musclées, musquées. Des verbes puissants confèrent aux choses une vivacité animiste […] On voudrait pouvoir écrire : c’est du Chaillou, comme on dit d’un patois, d’un cru fort en tanin. Appellation contrôlée et incontrôlable, qui a vite fait de monter à la tête. On se promet de n’en boire qu’un verre, comme ça, en claquant de la langue; et pfuitt, la bouteille y passe ! (vendredi 11 février 1983)

Encyclopaedia Universalis (Gilles Quinsat)

« Domestique chez Montaigne »/ Michel Chaillou

Depuis son premier roman, Jonathamour, dans lequel l’intrigue amoureuse avait pour contrepoint et pour obstacle la rêverie tout intérieure poursuivie par le narrateur à travers récits de voyage et de piraterie, Michel Chaillou n’a cessé d’écrire des livres dans lesquels prime la recherche d’un moment de grâce: celui où réel et imaginaire ne s’ignoreraient plus mais, se tournant l’un vers l’autre, finiraient par se compénétrer. Projet déjà inscrit en toutes lettres dans Jonathamour : « Entre les mots, les choses, un lieu où se réunissent les histoires. Peut-être une pièce, un château, une serre, un endroit bourré. Je ne sais pas. »[…] Cette ébriété langagière inspirée par un lieu (c’est au contact du lieu que toutes choses commencent vraiment à parler), nous la retrouvons dans Domestique chez Montaigne (Gallimard). Nous touvons aussi, amplifiées et orchestrées aux dimensions d’un roman, les accointances qui peuvent lier un nom et un lieu. Marcel Proust ici n’est pas loin. Car « faire la visite du château », c’est aussi bien « visiter un nom », s’immerger en lui, le sillonner en tous sens, en explorer la géographie jusqu’à épuisement de ses possibilités narratives. Ainsi, Montaigne, présent sur la couverture du livre, en représente-t-il l’indispensable sésame. Au lecteur, il signale d’emblée un réseau complexe de chemins et de traverses qui le conduiront non seulement vers l’oeuvre et vers la vie de l’écrivain – indissociables -, mais aussi vers le village attenant au château, qui porte le même nom. Dès lors un glissement constant entre le passé et le présent, entre ce qui est vu et ce qui est lu, le présent de l’errance et le passé obstinément rameuté, est rendu possible. Et se tressent un à un les fils d’une écriture qui est moins rêverie que mémoire en acte, impossible à déchiffrer à l’aide de telle ou telle clé qui la rendrait intégralement lisible. Au contraire, la mémoire dont semble imprégnée la langue de Michel Chaillou, ne se tient jamais dans la distance du souvenir. Elle préfère parler au présent et s’incarner dans les êtres innombrables ou dans les objets de rencontre qui lui donneront brièvement vie. ….

Times Literary Supplement (Terence Cave)

Complexities of the moi

(recension couplée avec celle du Montaigne en mouvement de Jean Starobinski)

Time, then, is one of the main themes of the novel. Through devices such as oscillations of tense, parataxis, bewildering justapositions and unexplained associations, Chaillou recreates in his own terms a Montaignian preoccupation with le passage and the discontinuity it inflicts on individuals and their perception of the world. One consequence of his method is the almost total absence of narrative sequence. The « story » of the characters, from Montaigne downwards, is fragmented and dispersed; in a few cases, elements of narrative belonging to a given character can be picked out and put together (this isn’t a nouveau roman), but the novel invites the reader, by its very structure, to resist the temptation and commit himself to the passage. The other main consequence, also Montaignian (although perhaps nourished by phenomenology), is the priority given to sense-experience : the novel begins with a series of graphic, uncompromosingly physical notations (Alex getting up in the morning) […] Chaillou seems indeed to suggest tha the mos appropriate response to the Essais is to move aout of the realm of intellectual refexion, even out aof language itself, into the realm of immediate sensation and action. In this, his novel concurs with Starobinski’s notion of a « repli sur le présent – dans la vie du corps, dans l’ivresse ou l’extase ». Both writers display in their very different ways a nostalgia for presence, which is no doubt one of the reasons why they write about, or around, Montaigne. But Chaillou and Starobinski, no less than Montaigne, love the detours of language. Their celebration of « présence au monde » is also inescapably a celebration of literature as a special variety of experience. … (TLS, 3 juin 1983)

Esprit (André Marissel)

Le style inventé, imposé par Michel Chaillou, restitue bruits, couleurs, odeurs, et donne à voir, touches après touches, des personnages – artisans, jardiniers dont les humbles travaux n’ont rien de commun avec les péripéties de vie intellectuelle pimentées d’érotisme. Pour Chaillou les formes d’activité et de pensée, de patiente et cocasse érudition, ne sont pas davantage autrefois que maintenant séparées du peuple.

The French Review (Roland H.Simon)

Le roman français contemporain doit à présent compter Michel  Chaillou parmi les tout premiers à nous sortir merveilleusement de la torpeur théoricienne des dix dernières années sans faire aucune concession aux académismes et aux formules toutes faites dont certains nostalgiques appellent le retour de tous leurs vœux. (The French Review , vol.58, n°3, feb.1985, p.492-493)

Lire l’article

The French Review ((Dudley M. Marchi)

Montaigne among the Postmoderns : Chaillou and Sollers reading the Essais

Etude en anglais  dans la revue de l’Association américaine des professeurs de français, (The French Review, vol. 68, n° 4, mars 1995, pp. 581-593.)

Lire l’article en ligne

 

A l’école de la presse (Marie Etienne)

Domestique chez Montaigne est un des grands livres de notre époque, comparable à La Route des Flandres de Claude Simon, est très complexe : un homme séjourne dans le pays de Montaigne et établit un parallèle entre sa vie auprès du gardin du musée de Montaigne et celle de l’écrivain entouré de ses domestiques. (n° 15, septembre 1995)

 

La lecture de Richard Millet (dans Accompagnement)

Les premières lignes :

S’il y a, dans le roman de Michel Chaillou, quelque chose de proprement inouï et d’emblée admirable, c’est bien la langue qui s’y déploie : sa modernité pourrait en remontrer à ceux qui, par ignorance ou démagogie, professent le français langue pauvre, langue morte. Non que ce livre tire sa singularité du seul mouvement d’une écriture en quête d’elle-même. Avec une force neuve puisée à l’arrière-pays gascon, la prose de Chaillou donne à voir, à entendre, à humer et à hanter (siècles, lieux, personnages), jusqu’à ce que nous soyons, à notre tour, pris en langue et hantés par ce que nous aurons, avec le texte, sollicité …(Richard Millet, Accompagnement – Lectures, P.O.L. 1991, pp.142-145)

La lecture de Renaud Camus (dans Demeures de l’Esprit)

[…] Elles sont beaucoup, ces errances, ces courses de la matière du magnifique livre de Michel Chaillou, Domestique chez Montaigne, dont le titre trop modeste révèle insuffisamment qu’il s’agit en fait d’un autre Sentiment géographique, ce chef-d’oeuvre forézien du même auteur. Domestique chez Montaigne est au pays de Montaigne et à la Lidoire ce que Le Sentiment géographique est aux terres d’Honoré d’Urfé et au Lignon : certainement la plus riche évocation , et la plus françaisement orchestrée, de ce que peut être aujourd’hui une visite littéraire et aimante à la tour de Montaigne et à ses parages résonnants – mais pas une de ces visites d’une heure et l’on rentre chez soi, une visite comme il faudrait qu’elles le fussent toutes, une visite qui serait un véritable séjour et suivrait les chemins, se pencherait sur tous les cours d’eau, entrerait dans tous les hameaux, essaierait toutes les vues, garderait longtemps en bouche tous les noms comme autant de gorgées de ce vin du domaine qui se vend à la billetterie. (Renaud Camus, Demeures de l’Esprit, France I Sud-Ouest, Fayard 2008, chap. 3, p.45)

A la radio, émissions  consultables dans les archives de l’INA :
  • Le petit jardin,  8e partie. « Les chemins de la connaissance », France Culture, 7 juillet 1982. Jean-Loup Trassard invite Michel Chaillou à décrire le potager de Montaigne.
  • Un livre des voix, France Culture, 15 février 1983. Lecture de plusieurs passages du livre et interview de Michel Chaillou par Pierre Sipriot.
  • Littérature, « Les matinées de France Culture », 31 mars 1983. Entretien entre Roger Vrigny, Christian Giudicelli et Michel Chaillou sur son roman.

 

Michel Chaillou