Mémoires de Melle
4e de couverture
A Casablanca, entre 1952 et 1957, une belle jeune femme environnée d’amants, et son fils de quatorze ans et plus, un peu âne, s’efforcent de s’en sortir. Beaucoup plus tard, Samuel Canoby, devenu maître d’internat dans une bourgade des Deux-Sèvres, à Melle, se remémore ses difficiles années d’apprentissage à Casa. Est-ce le baccalauréat de la misère qu’il y prépare à son insu ? Un pays retrouve son indépendance, notre héros affirme la sienne de femme en femme, dans un quartier où l’amour même semble se prostituer, l’amour incognito sous le masque d’un éternel beau temps. Sur cette côte houleuse du Maroc, la jetée qui protège le port s’aventure fort loin dans l’Océan…
Extraits
Avant-propos
Des mémoires en vrac, pêle-mêle, à ramasser avec une pelle. La terre s’y attache, macule les noms. Un mémoire de la poussière, une relation grain à grain de ce qui s’entasse, se pulvérise, impalpable furie. Un coup de balai donné au temps. Un nuage en sort qu’il faut transcrire. Une prédilection pour ce qui transporte, aère. Une peur de ce qui entrave, boue, sable. Le grimoire du bruit des portes, de ce qui tourne, rouille et grince. Dans l’ombre, une histoire s’y agace, s’énerve sous un soleil qui depuis tant d’années a pris du ventre. Pourtant, dans la nuit toujours indienne, marocaine, la lune visage pâle. Un jeune homme grandit. Il attrape juste quatorze ans à la sortie d’un port, dix-neuf, vingt sur une route qui décampe. Il court. Sans doute n’a-t-il fait que courir avec ce grand manteau d’impatience qui le couvre. Pourquoi ? Pour qui ? Je le vois ouvrant des livres. Je distingue mal le titre sur la page qui fait tache. Il aime, son cœur saute, une jeune fille agrémente des arbres sur une place. « Samuel, elle dit, Samuel Canoby ».
deuxième page
Casa, Casablanca, Maroc. Plusieurs semaines qu’on y bouge, circule dans l’incohérence, mangeant peu, buvant tout ce que la soif nous vide dans la bouche. A notre arrivée, on couche parmi nos valises dans un réduit sur cour au faîte d’un escalier mal vissé qui tord la cheville de Charlotte. Puis une petite annonce de La Vigie, grand quotidien d’information, nous transporte rue Gallieni, près du cinéma Rialto où chante dans les films l’Égyptien ébloui Abdul el-Wahab. J’apprends l’arabe, la bes, ça va ?