Dossier de presse

Le Sentiment géographique

Une rêverie autour de l'Astrée d'Honoré d'Urfé.

Gallimard 1976, collection l'Imaginaire 1989

Le Monde (Jean Ristat)

Dans le lit d’Honoré d’Urfé

Rêveuse géographie.Or voici que paraît un ouvrage dont le propos, à y regarder de loin, serait un commentaire de l’Astrée. L’Astrée, d’Honoré d’Urfé est le premier grand roman français depuis le Moyen Age. Ouvrage de cinq mille pages, publié de 1607 à 1627, en partie apocryphe. Le succès du livre fut considérable jusqu’en pleine Révolution. Jean-Jacques Rousseau enfant lisait L’Astrée, « tragi-comédie pastorale » comme disent les professeurs, roman pour jeunes filles vertueuses (pour ceux qui ne l’ont pas lu). Et pourtant, comme le fait remarquer Gérard Genette, quel éloge du plaisir dans cette histoire de bergers, bergères et nymphes où Céladon, déguisé en fille, vit « à peu près continuellement enfermé dans une chambre avec deux ou trois jeunes filles toujours dévêtues ». Ce n’est point sur ces moments que Michel Chaillou, dans un très curieux récit, Le Sentiment géographique, nous invite à rêver : « Dormons ensemble, les moutons s’écoulèrent … » Ouvrons avec lui L’Astrée : « Auprès de l’ancienne ville de Lyon, du côté du soleil couchant, il y a un pays nommé Forez, qui en sa petitesse contient ce qui est de plus rare au reste des Gaules. » Nous voici, dès les premières lignes, transportés dans un lieu d’utopie où chacun voudrait bien être berger pour vivre selon son cœur. Mais le Forez de Michel Chaillou n’est pas seulement, comme celui d’Honoré d’Urfé, une retraite édénique au milieu d’un monde en guerre. Sa pastorale est « ce fouillis verbal où l’herbe s’exprime par des sons étouffés ». Ses moutons sont les mots qu’il conduit, phrase après phrase, page après page, selon un mouvement admirable de la langue jusqu’au réveil: « Les mots s’alourdissent de mottes, la phrase devient chemin, son sens une direction dans l’herbe anciennement foulée d’un couchant…  »

[…] Il faut lire ce petit livre, le garder comme une perle rare et précieuse : quelque chose s’y annonce avec force, par quoi se reconnaîtront les bergers de demain, ceux qui engrangent les songes. (26 mars 1976)

Le canard enchaîné (Yvan Audouard)

Dans son exquis petit manuel de sieste à l’usage des amateurs de belles-lettres, Michel Chaillou s’amuse à compter les moutons qui paissent sur les bords du Lignon dans l’Astrée d’Honoré d’Urfé. C’est un livre qui s’efface de lui-même au fur et à mesure qu’il « s’étire » dans les plaines indolentes du Forez. Le but recherché (recherché dans les mots assourdis, perdus dans le brouhaha des phrases) est somptueusement atteint. Le livre est merveilleusement soporifique. Il n’y a aucune ironie dans mon propos, cette promenade immobile, qui va paisiblement de n’importe où à nulle part, ce discours « résonnant des ultimes sonnailles du discours en marche », empruntant sans arrêt les « ponts des récits suspendus », cette absence de tout mouvement vrai, de tout intérêt dramatique, font lever irrésistiblement en vous « l’astre unique du sommeil profond éclairant la réalité du songe ». Avant de fermer les yeux pour mieux voir le paysage permettez-moi de vous rappeler le titre de cette friandise délicieuse qui fait de vous un drogué léger : Le Sentiment géographique (NRF, collection Le Chemin).(25 février 1976)

Critique (Michel Deguy)

La sortie en dedans

Le passage au livre, la mobilisation et transformation du temps en temps de lecture (comparable lui-même au temps d’écriture ? c’est à voir) est à figurer : comparons cela à l’entrée dans un labyrinthe, dedans du dehors et dehors du dedans. Comparons cela, à cause de l’aspect matériel des phrases alignées, empilées, à un circuit-machine aux minutieuses tubulures de refroidissement (réchauffement ?) et de compression (décompression). Entrée, donc, dans un étrange appareil; et un récit peut métaphoriser le cours des péripéties de la lecture, transposer la circulation dans le livre, comparée à un engourdissement, à un endormissement sous le charme; et ce serait le récit de la lecture d’un livre qui serait lui-même l’allégorie (la métaphore) de la lecture (et de l’écriture ?) : en l’occurence de la pastorale d’Honoré d’Urfé si le berger, fondamentalement oisif, étant un qui ne fait rien, veille un moutonnement pareil à une phrase … Lire comme on s’endort ? Non pas en effet par un décrochement brutal comme dans l’évanouissement ou la mort, mais par initiation, entrée inchoative, dans une autre dimension, un espace autre dans celui-ci, où vit, j’allais dire « par ailleurs », le lecteur-homme de chair et d’os. Cette entrée est aussi bien une sortie de son dedans dans le repliement de son dehors; et dans l’espace livresque c’est bien son corps qui s’introduit : par les yeux: il y est immobile, et il y cesse de voir, c’est le bâton de lignes qui le guide dans un lieu aveuglé, sans choses; le livre est son Antigone, dans cet espace où le dehors s’est refermé, s’ouvrant à sa mise en absence […] (juin-juillet 1976)

Argos, CRDP académie de Créteil (Marie Etienne)

Un faux voyageur

« Le Sentiment géographique reprend et développe cette notion de territoire chez un écrivain tel que lui. Il y raconte l’histoire des bergers de l’Astrée dans le paysage du Forez, point central de la France en même temps que lieu géographique et symbolique de l’altérité. Le texte contient dans son corps même toutes les notes, références, citations, digressions qui se trouvent la plupart du temps en fin de page, de chapitre ou de livre. « Ayant choisi la prose de l’âge classique et le centre de la France, cet errant du langage qu’est Michel Chaillou nous rappelle qu’il est un faux voyageur, il nous trace les limites d’un territoire comme celui d’Henri Michaux qui est illusoire, tentative mentale de saisir un espace donné, un style, un asile champêtre, un réconfort presque intime », écrit Paul Louis Rossi dans un livre à paraître. » (n°15, septembre 1995)

Esprit (Nicole Casanova)

Ce livre absolument original veut être « une pastorale », c’est-à-dire une façon d’habiter les régions désertes de l’esprit et du temps, l’abord du sommeil, par exemple, ou l’Histoire revécue dans ses moments dont nous ne savons rien. (n° 10, octobre 1976)

Réforme (André Marissel)

D’aucuns verront dans ce livre, à cause des références nombreuses et des citations, un ouvrage savant, une fantaisie d’érudit; au vrai, Michel Chaillou a réinventé les pastorales, en grand rêveur qui souhaite aussi bien l’enracinement que l’évasion, en amoureux des mots qui s’exalte et approfondit ses relations avec le langage et ses possibilités encore inexplorées. Rien de plus inattendu et personnel que le vaste poème de Michel Chaillou ! (27 mars 1976)

Les Nouvelles littéraires (Claude Bonnefoy)

Cette lecture-parcours rompt avec les usages : elle ne se refère pas à l’histoire littéraire, mais seulement, et comme dans les marges d’un discours enchanté, à des livres qui entretiennent avec L »Astrée un rapport géographique (études sur la géologie, le climat, l’habitat, la langue du Forez), thématique (traités d’agriculture, d’élevage) ou souterrain (essais sur le sommeil et le rêve). Lecture inadmissible au regard des règles de la critique. Lecture profonde, féconde, cependant : bercé par le courant des phrases d’Honoré d’Urfé, rêveusement plongé dans le cours du Lignon, Chaillou à son tour habite, invente l’espace forézien. (19 février 1976)

Le Monde (Bertrand Poirot-Delpech)

(rendant compte du colloque sur le Baroque)

Pourquoi ne pas qualifier de « baroque » un écrivain de la pastorale rêveuse tel que Michel Chaillou — Le Sentiment géographique (Gallimard) — tout à sa hantise nocturne de retrouver pêle-mêle, à force de digressions et de demi-sommeils, l’esprit secret du Forez d’Urfé et les figues enfouies ou enfuies du passe, de l’espèce ? » (30 juillet 1976)

Une critique en terre d’Astrée

 

Le  Pays  Roannais

Michel Chaillou, berger des mots

Ainsi Michel Chaillou a-t-il écrit une pastorale 76, mi-roman mi-poésie, un itinéraire de transhumance du rêve vers le réel. Une œuvre de moraliste et de poète qui se défend de l’être.

(11 juin 1976)

 

 

Revue d’histoire littéraire de la France

L’Astrée d’Honoré d’Urfé : fortune et vicissitudes d’un best-seller au XVIIe siècle
Jean-Marc Châtelain et Delphine Denis

… C’est à un rare éloge de la lenteur qu’invite le livre de Chaillou. Avoir su trouver dans cette pastorale romanesque le sublime de l’ineffable est le plus bel hommage qu’on pouvait rendre à l’oeuvre d’Honoré d’Urfé : une invitation au voyage.(décembre 2017, n°4, p.795-796)


radio

Reçu par Jacques Paugham dans l’émission « Ainsi va le monde » France Culture 8 juin 1976 (rencontre citée dans l’article  du Pays Roannais )

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conférence

En août 2003 Michel Chaillou a fait une conférence sur la genèse de son livre lors d’une université d’été organisée par Yannick Linz et Hélène Waysbord,  Patrimoine et littérature au collège et au lycée. La rencontre a donné lieu en 2005 à une publication du SCÉRÉN-CRDP Franche-Comté  où l’on peut lire son texte  intitulé « Le sentiment géographique » (p.113-121).  

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Collège Vaserman

Un faux théâtre, une vraie pédagogie de l'absurde, en prose et en vers.

récit, Gallimard 1970

Le Monde (Jacques-Pierre Amette)

A la façon du free-jazz

[…] Le roman s’écrit et se dialogue à la seule fantaisie des dissonances, des rythmes interrompus. Une cascade de cocasseries, de rapprochements surréalistes, de dévergondages syntaxiques, fait passer un haut voltage dans cette prose et suit un mode de création assez semblable à celui du free-jazz. Le texte, au gré des caprices verbaux, « descend la page à bicyclette », pour reprendre une expression de l’auteur. Le style saute, déraille, dérape du langage noble à la trivialité cinglante, glisse de la précaution oratoire à la critique interne du texte, à sa mise en abîme. Cette vaste mise en pièces des personnages et cette dérision de l’écriture qui se pastiche entraîne le lecteur vers quelque chose d’étourdissant : volte-face de miroirs et de trompe-l’esprit. (23 avril 1971)

L’Express (Etienne Lalou)

Le professeur qui fait l’enfant

[…] Donc Michel Chaillou n’est pas un enfant, il fait l’enfant. Il emploie toute son intelligence, toute sa sensibilité et toute son érudition à battre en brèche le système rationnel et logique, à passer du coq à l’âne, à effacer les repères. Il pourrait poursuivre cette entreprise subversive avec le pédantisme borné qui caractérise un certain nombre de contemporains. Il a préféré l’humour et la gratuité. (21 juin 1970)

La Quinzaine littéraire (Claude Bonnefoy)

[…] Collège Vaserman se donne pour un spectacle, d’entrée de jeu nous sommes prévenus. Tout se déroule ici dans le monde raffiné de l’illusion. Tout est à lire en miroir, à projeter, à contempler sur un plateau imaginaire : « Le décor est un théâtre, les œuvres présentées le sont pour la première fois et de manière définitive. (16-30 septembre 1970)

Combat (Alain Bosquet)

[…] Le premier livre de Michel Chaillou, Jonathamour, avait surpris par sa fraîcheur et sa désinvolture un peu terroriste, Collège Vaserman est tout aussi impertinent, drôle, caracolant, plein de trouvailles. On ne raconte pas un roman picaresque abstrait. Ce qui attache le plus, c’est le mélange des genres : récit en fragments sentencieux et burlesques, vers à rimes riches qui ressortissent à Queneau et à Audiberti, avec des clins d’œil du côté de Raoul Ponchon, dialogues de sourds, coups de théâtre, apostrophes en tous genres, on dirait un Réjean Ducharme français, ou un un Yak Rivais plus malin. Roman éclaté en sonnets disjoints ? Michel Chaillou a de la verve et de l’allégresse. Il pourrait avoir plus d’ambition. (6 août 1970)

La Bretagne à Paris (interview par Michel Joseph)

Un pirate sur les bancs du collège(10 juillet 1970)

Jonathamour

Je m’appelle Jonathan. J’habite une chambre louée, 50, rue Jacob. Encore deux semaines et une jeune fille se déshabillera entre mes bras.

roman, Gallimard 1968, collection "Folio" 1991

Le Monde (François Bott)

Une flambée de mots

Ce premier roman d’un professeur de lettres, qui allie comme Don Quichotte la fable et l’ironie, est un ballet, une flambée de mots charnus et rutilants, baroques et délicats. Mots-bibelots qui souvent nous enchantent.(6 avril 1968)

Lire l’article

Combat (la chronique d’Alain Bosquet)

Avec Jonathamour, Michel Chaillou fait de surprenants débuts. S’il avait vingt ou vingt-cinq ans, on aurait été heureux de signaler une philosophie inconsciente et neuve de l’écriture; comme il en a trente-huit, on se dit que sa création est plus élaborée, et qu’elle est le fait d’un choix ou même d’une habileté extrême. Il suffira donc de déclarer que son livre procure un plaisir rare et à attendre un jour des recettes peut-être plus pétillantes encore. (11 avril 1968)

Les Lettres françaises (Jean Gaugeard)

Une jolie rousse

On serait mal venu de reprocher à Michel Chaillou les redites, la monotonie, un lyrisme trop souvent gratuit, un magasin aux accessoires qui sent l’Odéon […] puisque c’est au passif du pauvre Jonathan qu’il faut porter tout cela. Mais à l’actif de Michel Chaillou, on doit porter un humour charmant et efficace, le rythme, presque la scansion qu’il a su donner aux élucubrations journalières de son rêveur, et la poésie vraie qu’il laisse sourdre des stéréotypes et des enfantillages. L’aventure véritable est aussi verbale.[…]

Cette richesse du verbe, une grande intelligence de l’image, une allure narrative personnelle font de Jonathamour un début de qualité. (17 avril 1968)

Europe (Yolande Cassin)

Ce premier roman de Michel Chaillou est remarquablement écrit. Des phrases courtes, très courtes, chaque mot choisi, emporté par un rythme rapide, parfois haletant qui tient plus de la poésie que de la prose. On lit ce livre jusqu’au bout presque sans s’en rendre compte. Or il n’y a pas d’histoire, il n’y a qu’un homme jeune « Jonathamour » tel qu’il s’appréhende lui-même de l’intérieur, les mots collant à la pensée, aux rêves, aux souvenirs et les recréant à chaque minute. (juin juillet, août 1968)

Les nouvelles littéraires (Isaure de Saint-Pierre)

Présenter sous forme de récit l’aventure d’un être aussi instable, aussi perdu dans l’imaginaire, ne pouvait produire qu’un livre un peu fou et désordonné. Pourquoi les jeunes romanciers ne savent plus se rendre maîtres des mots ? Ils préfèrent se laisser porter par de grandes phrases creuses et abstraites sans signification. (22 août 1968)


radio

  • Du jour au lendemain, « Dans la bibliothèque de Philippe Boyer« , France Culture, 21 décembre 1990. Au micro d’Alain Veinstein, Philippe Boyer dit son coup de cœur pour Jonathamour, prochainement réédité en folio.

télévision

  • Le fond et la forme,  « Un jeune romancier Michel Chaillou », TF1, 1 1 mars 1969. André Bourin dialogue avec Michel Chaillou qui lit des pages du roman dans les rues de Paris.

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Michel Chaillou